Le Triptyque d'Injalbert retrouve sa jeunesse


Publié le 25/06/2021

Le visiteur attentif avait peut-être remarqué une sculpture disparaissant sous les mousses, décorant le mur sud du parvis du musée Fabre.

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Derrière les échafaudages

La mission Patrimoines a profité de ces tristes semaines pendant lesquelles la porte du musée demeurait fermée : dissimulés derrière les échafaudages, une équipe de restaurateurs a remis en valeur cette œuvre monumentale.

Les parements couverts de mousse ont été nettoyés par cataplasmes et à la vapeur d’eau, l’épais badigeon qui empâtait la sculpture a été retiré, les joints ont été révisés. Certains éléments sculptés, manquants mais parfaitement documentés, ont pu être restitués afin de rendre toute sa lisibilité à la composition. Enfin, la couverture métallique a été déposée et remplacée pour une protection en cuivre étamé assurant la pérennité de l’œuvre. 

Les travaux, confiés à l’atelier Bouvier (Les Angles dans le Gard) et à l’entreprise Bourgeois (Fourques dans le Gard), ont été réalisés selon des techniques traditionnelles, avec des produits adaptés au traitement de la pierre, en concertation étroite avec l’Architecte des bâtiments de France.

L’objet du scandale

À la fin du XIXe siècle, la place de la Comédie s’entoure d’immeubles de style haussmannien. La construction d’un passage couvert entre la place et la rue de la Loge est alors projetée. L’ornementation de l’arche monumentale d’entrée est confiée au sculpteur Antonin Injalbert. L’œuvre, dévoilée aux Montpelliérains fin août 1895, déclenche une vive controverse. L’impudeur des nymphes et satyres enlacés, qui encadrent un masque rieur, heurte certaines sensibilités. Les détracteurs d’Injalbert et ses admirateurs se disputent par journaux interposés. L’artiste lui-même répond à la polémique dans les colonnes du Petit méridional : « C’est absurde et je ne puis que plaindre ceux qui ne comprennent pas que l’art est essentiellement chaste et qui sont, au fond, assez dépravés pour me prêter leur dépravation. »

Le bâtiment inachevé est détruit dès 1897 pour laisser place à l’immeuble surnommé « le Scaphandrier ». Injalbert fait alors don de son œuvre à la Ville, à la condition que celle-ci soit installée dans un jardin public. D’abord exposé dans une cour du musée, puis relégué dans un entrepôt, il faut attendre 1965 pour que le triptyque soit rendu à la vue de tous, à son emplacement actuel.

L’artiste

Fils d’un tailleur de pierre, Jean-Antoine dit Antonin Injalbert naît le 23 février 1845 à Béziers. Avec le soutien de sa ville natale, il entre à l’école des Beaux-Arts et obtient le prestigieux Prix de Rome en 1874. Rapidement reconnu pour son talent, le sculpteur se voit confier à Paris certaines sculptures des ponts Mirabeau et Bir-Hakeim, du fronton du Petit-Palais ou encore de la gare d’Orsay. Dans l’Hérault, il réalise, entre autres, le monument à Molière de Pézenas et la fontaine du Titan au Plateau des Poètes de Béziers. En 1889, pour le Centenaire de la Révolution, l’État lui commande un buste de Marianne, tiré en de très nombreux exemplaires et encore présent dans de nombreuses mairies. Enseignant à l’école des Beaux-Arts de 1891 à 1929, il est élu à l’Académie en 1905. Le 20 janvier 1933, âgé de presque 88 ans, Antonin Injalbert s’éteint à son domicile parisien du boulevard Arago.

Extrait du journal occitan La Campana de Magalouna du 1er septembre 1895 :

Moun Diéu ! moun Diéu ! dequé se passa

Tras la tèsta que cacalassa ?

A veire ce qu’es descoubert,

Se dirà : Pas sage, Injalbert !

Ce qui donne en français :

Mon Dieu ! mon Dieu ! Qu’est-ce qu’il se passe

Dans la tête qui s’esclaffe ?

En voyant ce qui est découvert,

On se dira : Pas sage, Injalbert !

A re-découvrir lors de votre prochaine visite au musée Fabre !

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